Le salaire des collègues en question

Les sujets de discussion entre collègues abondent, seul un reste encore tabou dans les entreprises : le salaire. Le fait que près de 33 % des salariés canadiens n’ont jamais discuté de salaire avec leurs collègues prouve que le chemin sera encore long pour changer les mentalités, même si certains comportements avant-gardistes font surface.

Pourquoi connaître le salaire de ses collègues?
Ne vous pensez pas anormal si, depuis plusieurs mois, une question vous titille : et si Réjéan, qui a été embauché en même temps que moi pour le même poste, gagnait plus. Très important de le savoir, car sa rémunération va devenir votre référence; vous serez alors bien outillé pour négocier avec votre employeur une augmentation. Soyez prêt, toutefois, à entendre sa tirade justifiant la différence de salaires (diplôme, âge, expérience, niveau de responsabilité…). Peut-être que votre démarche est plus… altruiste, par souci d’équité salariale homme-femme. Un beau cadeau que vous feriez à Rose en lui demandant son salaire. Elle pourrait réaliser qu’elle gagne 25 % de moins que vous, toute chose égale par ailleurs, et se rendre dans la foulée dans le bureau du directeur pour lui demander d’appliquer la loi provinciale sur l’équité salariale. (En juin 2016, le Comité spécial sur l’équité salariale de la Chambre des communes a recommandé une loi fédérale sur l’équité salariale pour les secteurs public et privé – elle devrait voir le jour en 2018.)

Comment obtenir le salaire de vos collègues?
Spontanément, vous vous dites que c’est à vous d’investiguer si vous souhaitez obtenir de l’information. Quoi de plus logique! Mais c’est sans compter sur un phénomène nouveau qui est la mise à disposition des salaires par l’employeur lui-même. Oui, vous avez bien lu! Pour preuve, les deux fondateurs d’une entreprise canadienne ont décidé de révéler les salaires de tout le personnel. Qui plus est, de façon très structurée : par ancienneté, fonction, ville… Quel est le but? Non, la question est plutôt : quelle est la logique? L’entreprise a une culture de transparence; le salaire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres pour Buffer. Les salariés apprécient, et personne ne perd de temps ni d’énergie à savoir combien gagne son collègue. Cette tendance vient peut-être de Norvège, pays dans lequel tous les salaires sont dévoilés et connaître le salaire de son voisin est à portée de main. Conclusion, le pays des Fjords connaît le moins d’iniquité salariale et le plus faible écart entre les salaires les plus élevés et les plus bas.

Pour vous qui n’auriez peut-être pas la chance de travailler dans ces havres de transparence, vous pourriez toujours vous informer en naviguant sur des sites spécialisés (salary.com, payscale.com et Glassdor.com), en interrogeant votre réseau, mais surtout en tentant une discussion avec votre collègue. Ainsi, agissez en tête-à-tête, dans un lieu convivial et dans une ambiance détendue. Vous pourriez amener le sujet en disant que vous souhaitez être un peu éclairé, car vous n’avez pas de repères. Pour lui prouver votre confiance, commencez par annoncer votre salaire et demandez-lui plutôt une fourchette et non sa rémunération exacte au dollar près. Puisque cette question taboue peut créer une certaine jalousie ou une concurrence malsaine entre collègues, vous pouvez toujours décider de vous informer lorsque le collègue quitte l’entreprise, ce qui évitera de mettre en péril votre relation.

Vous voilà bien outillé maintenant pour relever ce défi. Toutefois, si vous ne parvenez pas à poser ladite question ni à obtenir le début d’un commencement de réponse de la part de votre collègue, songez en guise de réponse aux propos de Talleyrand : « Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console. » Vous serez alors certain de toujours sortir gagnant de cette quête obsessionnelle!